CHRISTIAN
SIMEON
AUTEUR - SCULPTEUR
L'Androcée
Le thème le plus important de L'Androcée est celui de la culpabilité héritée par les générations nées après la guerre.
C'est là notre héritage.
L'imputrescible charnier sur lequel est bâtie notre civilisation.
En respectant les unités de lieu et de temps et en mêlant les thèmes de la guerre, de l'Opéra et du mythe d'Electre, quatre histoires contemporaines ou mythiques s'entremêlent, se développent et se résolvent dans une même fin : l'histoire de Jean, l'histoire de Camille, l'histoire d'Anicroule, l'histoire de Sucia. Chacune est liée et aboutit à l'histoire de l'Androcée.
Le personnage de l'Androcée s'inspire très librement de certains événements de la vie de la cantatrice Germaine Lubin qui fut l'une des deux plus grandes voix wagneriennes d'avant-guerre. Elle a créé Elektra de Richard Strauss à Paris, le 29 février 1932. Elle a chanté Isolde à Bayreuth en juillet 1939 devant Hitler, quelques jours avant la déclaration de guerre. Elle a chanté pendant la guerre. Sa carrière a été brisée nette à la libération.
th.Jean Macqueron La responsabilité de l'art en question "L'Androcée"
Le personnage central de L'Androcée est cette grande figure lyrique qui chanta devant Hitler. Nourrie des interrogations sur la culpabilité et les responsabilités de l'art, la pièce résonne aujourd'hui cruellement avec l'actualité.
Une fois encore le compagnonnage Siméon/Macqueron prend forme. Après Hyènes et La reine écartelée, sans Michel Fau cette fois, pour qui la pièce était pourtant écrite, L'Androcée couronne une écriture qui touche à la maturité, fuit ses peurs premières et explose quelques-uns des cadres qui jusque-là la protégeait.
L'Androcée, reine mythique de la scène lyrique d'avant-guerre (la Seconde Guerre mondiale) consacrée par le rôle d'Elektra quelle crée à Paris devant Richard Strauss, chante aussi quelques années plus tard devant Hitler. Inspiré librement de la vie de la cantatrice Germaine Lubin, L'Androcée de Christian Siméon, d'une cruelle actualité, questionne la culpabilité et la responsabilité de l'art, donc des hommes. Se mêlent la guerre, le mythe d'Electre, le souvenir, les peurs saillantes, le poids patrimonial de l'histoire et l'excellence. Le fil ténu qui nous lie au monde, à notre lignée, à notre patrie, aux choix des autres et à l'héritage putride qui ne cesse de nous gangrener, est au coeur de ce texte mis à nu.
L'Androcée racontée à un enfant croise des personnages dont l'enfance à été volée, des personnages aux rêves exténués, réunis dans un non-lieu unique, entre limbes et morgue, une marge dont les contours se perdent dans notre histoire commune. Un lieu de saillance où les strates qui construisent les personnages se révèlent à vif. Jean, Camille, Sucia et Anicroule, ne pouvaient ainsi se livrer que sur un plateau de théâtre. Jean Macqueron n'a eu qu'à les cueillir. Le juste parti pris d'une sobriété certaine de la mise en scène offre une caisse de résonance à l'écriture de Siméon, des mots elle fait un chant. Jean Macqueron ne sombre pas dans les écueils baroques qu'une mauvaise lecture de la pièce pourrait générer, il a entendu la nouvelle pureté de la langue.
Du désert koltésien à la démence Copi, Christian Siméon fait le lien entre la folie des hommes et l'aridité des rapports humains. L'auteur, en pleine maturité, ne fait-il pas dire, en un clin d'oeil théâtral et goguenard à son monstrueux personnage, «Je suis une muette»?
L'Androcée, de Christian Siméon, mise en scène de Jean Macqueron, avec Stéphane Auvray-Mauroy, Christophe Garcia, Céline Milliat Baumgartner, Nathalie Savary. Du 22 avril au 26 mai, à L'Etoile du Nord, Paris. 01 42 26 47 47
Hervé PONS
mouvement.net
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Texte intégral disponible - Lectures Transversales
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